Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/306

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de Fontainebleau peuvent lui donner l’enivrante illusion d’un Olympe. Il n’a pas ressuscité les Pythiques, mais il nous a légué la langue actuelle, la pâte même de la poésie élevée. L’argile que nous modelons, le marbre que nous taillons sont tout à fait siens, le marbre et l’outil! Il eut la grecque fureur, l’amour de Dieu, l’enthousiasme de la gloire, une âme pindarique plus que ses œuvres. Mauvais flatteur et trop indépendant pour se concilier longtemps la faveur des cours, Ronsard finit disgracié, revenu aux grandes pensées, et, après avoir trouvé des plaintes éloquentes sur les malheurs des Français châtiés par leurs mains, il termine sa vie par une belle mort chrétienne digne de l’antiquité, à Saint-Côme, entouré des religieux et dans les bras de son ami Galland. Il expira en héros, en sage, pardonnant à tous et n’ayant jamais nui à personne. À peine est-il couché dans le cercueil, c’est dans toute la France comme un long cri de douleur et d’angoisse. Du Perron, Claude Binet, Daurat, Baïf, Amadis Jamyn, Scævole de Sainte-Marthe, Galland, Bertaut, Claude Garnier, tous les poëtes les plus éminents se piquent d’émulation pour élever à Ronsard un tombeau qui brave les âges, et, en grec, en latin, en italien, on le chante, on le glo-