rifie pour recommander à la postérité équitable le soin de sa renommée. La postérité n’a pas accepté le legs ; elle a renié ce créateur sans lequel elle n’aurait eu ni Corneille, ni Malherbe, ni Chénier, ni les modernes ! Un jour, redevenue plus juste, elle lui rendra sa place, et son buste majestueux apparaîtra, comme au frontispice de ses œuvres, élevé sur de puissantes architectures, couronné par les vieux maîtres de la lyre, pleuré par un héros armé et par une muse éclatante et nue qui laisse ruisseler sa chevelure blonde avec les flots épanchés de son urne de marbre. Quand Ronsard se déclarait immortel et se couronnait de ses propres mains, il n’était pas guidé par un vain orgueil! Il continuait, réclamait, affirmait le rôle du poëte. C’était le vieil Hésiode, c’était son maître Pindare et surtout les poètes à venir qu’il couronnait sur son propre front. Quel doit être celui qui parle aux âmes, voilà ce qu’il voulait enseigner à la France en l’entraînant, loin de Marot et de Saint-Gelais, vers le vol des grandes Muses. En ses maîtresses, il adorait surtout la beauté impérissable que de tout temps les Dieux ont fiancée au génie ; il ne se montra si fier, que comme le fils et comme le père de ceux dont la voix ailée voltige parmi les hommes. Laissons-lui donc ce laurier qu’il usur-
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