Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me dit-il. « Et d’abord peut-on rester ici quelques heures sans vous gêner ? »

« Je m’inclinai en marque d’assentiment. Une émotion extraordinaire m’envahissait et paralysait ma langue. Thillard s’assura de la solidité d’une chaise, puis s’assit, disant : « Je suis sur pieds depuis ce matin, je n’en puis plus, et par-dessus le marché, je meurs de soif. Vous n’avez sans doute rien à boire chez vous ? » Je fis signe que non. « Il n’est que onze heures, » continua Thillard, « peut-être trouverez-vous encore un marchand de vin ouvert et vous sera-t-il possible de vous procurer du vin et du sucre ? » Il fouilla dans sa poche et en tira une pièce de cinq francs qu’il jeta sur la table. « Voyez donc aussi, » ajouta-t-il, « s’il n’y aurait pas moyen de faire un peu de feu, je suis glacé. » Toujours muet, j’indiquai à Rosalie, non moins interdite que moi, une vieille caisse, un tabouret, des fragments de pupitre, et lui fis comprendre par mes gestes qu’elle devait briser cela et y mettre le feu. Je sortis.

« Les ténèbres étaient plus profondes que jamais : sous les lanternes mêmes on ne voyait point la lumière du gaz. Je marchai à tâtons le long des murs ; je gagnai, au jugé, vraiment, le pont Louis-Philippe ; je suivis la rampe du quai, et parvins ainsi jusqu’à la place de Grève. Là, grâce à la profusion des lampions et des torches, à la lueur desquels