la nouvelle existence d’un homme auquel il ne pouvait penser sans frémir.
Le jeune touriste représentait Clément comme un personnage étrange, mystérieux, foncièrement misérable au milieu de la prospérité, et qui, pour peu qu’on l’approchât, éveillait aussitôt chez autrui d’indicibles impressions. Il dépassait de peu la quarantaine, et ses yeux caves, son front chauve, ses joues creuses et livides, la maigreur de son corps courbé, lui donnaient les apparences d’un vieillard, ou mieux, celles d’un cadavre ambulant. Tout en ayant l’humeur la plus douce, il était sombre, taciturne, inaccessible à la gaieté, et dévoré d’une activité fébrile qui achevait de ruiner sa constitution.
On ne se rappelait pas l’avoir jamais vu sans son fils, jeune homme pâle, plus étrange encore que son père. Un œil noir d’une fixité stupide, de longs cheveux bruns naturellement bouclés, rehaussaient encore sa pâleur. Bien qu’il n’eût pas plus de quinze ou seize ans, il en accusait vingt, à cause de ses traits accentués et d’une légère moustache qui estompait déjà sa lèvre supérieure. Sous le rapport des facultés intellectuelles, il n’était pas à la hauteur d’un enfant de six mois ; il n’ouvrait la bouche que pour articuler des syllabes dénuées de sens ou pousser des cris rauques. Jamais il ne quittait son père, pas même pour dormir.
On les rencontrait fréquemment dans les rues,