Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/47

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tu me croire quand j’affirme que, si mauvaise que soit ma réputation, je vaux encore mille fois moins qu’elle. En passant la revue de tous ces actes qualifiés crimes par les hommes, je serais en peine d’en trouver un que je n’ai pas commis. Mon orgueil et mon égoïsme sont sans bornes ; je sacrifierais, à l’occasion, le monde entier à la moindre de mes fantaisies. J’ai été beaucoup aimé, et je n’ai jamais aimé personne. Pendant nombre d’années, je n’ai vécu que de dettes. J’en faisais d’autant plus volontiers que je ne pensais pas pouvoir les payer jamais. J’ai puisé sans scrupule dans la bourse de mes amis, et je ne puis pas dire que je me sois jamais employé efficacement pour aucun d’eux. J’ai fait plus : je les ai diffamés dès qu’ils ne pouvaient plus ou ne voulaient plus me rendre service. Enfin, non content d’exploiter, de duper sciemment tous les gens que j’ai trouvés sur mon chemin, je me suis complu dans les plus ignobles débauches, je me suis roulé complaisamment dans la fange. Je n’ai pas même reculé devant l’infamie de vivre aux dépens de plusieurs femmes… »

En cet instant, sous l’empire d’une exaltation à chaque instant plus vive, il se leva et arpenta son cabinet à grands pas.

« L’idée de Dieu, poursuivit-il, n’a pas une seule fois été émise devant moi, que je n’aie sur-le-champ proféré un blasphème : je l’ai maudit, défié ; ce