Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/48

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Dieu ; j’eusse voulu croire à son existence, afin d’être convaincu qu’il entendait ces blasphèmes et ces provocations ; j’ai souhaité de revenir au temps où l’on vendait son âme… Regarde-moi ! »

Debout devant Max, les bras croisés sur la poitrine, le visage livide, les traits contractés, l’impudence sur le front, Clément faisait peur à voir. Il ajouta :

« Moi, pétri d’iniquités, gâté jusqu’à la moelle, chargé de souillures ; moi, dont chaque molécule est un vice ; moi, plus criminel que pas un de ceux qu’on livre aux bourreaux et qu’on jette dans les prisons, il m’a suffi de prendre un rôle ignoble, de simuler des sentiments que j’exècre, de consentir à être plus infâme que je n’étais, pour passer de la misère à l’aisance, pour conquérir la sécurité, pour être heureux !… »

Destroy exprimait des doutes en branlant la tête d’un air plein de tristesse.

« Je pourrai être soumis aux douleurs physiques, dit encore Clément ; quant aux douleurs morales, je n’en veux point avoir, et je n’en aurai point. Je serai heureux ! moi, le plus indigne des hommes au point de vue social, pendant que toi, pauvre Maximilien, aussi honnête que je le suis peu, tu vis et vivras misérable, déchiré de mille supplices, humilié, insulté et calomnié par des gens de mon espèce. »