Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses magnifiques pattes de velours. C’est avec du velours qu’elle égratignait !

— Où va-t-il en venir ? — dit la comtesse de Chiffrevas à sa voisine, — car, vraiment, ce ne peut pas être là le plus bel amour de Don Juan ! »

Toutes ces compliquées ne pouvaient croire à cette simplicité !

« Nous vivions donc, — dit Ravila, — dans une intimité qui avait parfois des orages, mais qui n’avait pas de déchirements, et cette intimité n’était, dans cette ville de province qu’on appelle Paris, un mystère pour personne… La marquise… elle était marquise… »

Il y en avait trois à cette table, et brunes de cheveux aussi. Mais elles ne cillèrent pas. Elles savaient trop que ce n’était pas d’elles qu’il parlait… Le seul velours qu’elles eussent, à toutes les trois, était sur la lèvre supérieure de l’une d’elles, — lèvre voluptueusement estompée, qui, pour le moment, je vous jure, exprimait pas mal de dédain.

« … Et marquise trois fois, comme les pachas peuvent être pachas à trois queues ! — continua Ravila, à qui la verve venait. — La marquise était de ces femmes qui ne savent rien cacher et qui, quand elles le voudraient, ne le pourraient pas. Sa fille même, une enfant de treize ans, malgré son innocence, ne s’aper-