Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/197

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j’ai bien fait. C’est une perfection de femme de chambre. Je ne crois pas qu’elle ait un défaut.

« — Moi, je lui en connais un, madame la comtesse, — dis-je en affectant la gravité.

« — Ah ! et lequel ? — fit-elle languissamment, avec le désintérêt de ce qu’elle disait, et en regardant toujours dans sa petite glace, où elle étudiait attentivement ses lèvres pâles.

« — Elle est trop belle, — dis-je ; — elle est réellement trop belle pour une femme de chambre. Un de ces jours, on vous l’enlèvera.

« — Vous croyez ? — fit-elle, toujours se regardant, et toujours distraite de ce que je disais.

« — Et ce sera, peut-être, un homme comme il faut et de votre monde qui s’en amourachera, madame la comtesse ! Elle est assez belle pour tourner la tête à un duc.

« Je prenais la mesure de mes paroles tout en les prononçant. C’était là un coup de sonde ; mais si je ne rencontrais rien, je ne pouvais pas en donner un de plus.

« — Il n’y a pas de duc à V…, — répondit la comtesse, dont le front resta aussi poli que la glace qu’elle tenait à la main. — Et, d’ailleurs, toutes ces filles-là, docteur, — ajouta-t-elle en lissant un de ses sourcils, — quand elles veulent partir, ce n’est pas l’affection que vous avez pour elles qui les en empêche. Eulalie a le service charmant, mais elle abuserait comme