Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/365

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niant n’a pas fait là une chose si crâne pour que, toi, tu puisses tant l’admirer ! S’il avait cru que c’était Dieu, le Dieu vivant, le Dieu vengeur qu’il jetait aux porcs, au risque de la foudre sur le coup ou de l’enfer, sûrement, pour plus tard, il y aurait eu là du moins de la bravoure, du mépris de plus que la mort, puisque Dieu, s’il est, peut éterniser ta torture. Il y aurait eu là une crânerie, folle, sans doute, mais enfin une crânerie à tenter un crâne aussi crâne que toi ! Mais la chose n’a pas cette beauté-là, mon cher. M. Reniant ne croyait pas que ces hosties fussent Dieu. Il n’avait pas là-dessus le moindre doute. Pour lui, ce n’étaient que des morceaux de pain à chanter, consacrés par une superstition imbécile, et pour lui, comme pour toi-même, mon pauvre Rançonnet, vider la boîte aux hosties dans l’auge aux cochons, n’était pas plus héroïque que d’y vider une tabatière ou un cornet de pains à cacheter.

— Eh ! eh ! — fit le vieux M. de Mesnilgrand, se renversant sur le dossier de sa chaise, ajustant son fils sous sa main en visière, comme il l’eût regardé tirer un coup de pistolet bien en ligne, toujours intéressé par ce que disait son fils, même quand il n’en partageait pas l’idée et ici il la partageait. Aussi doubla-t-il son : Eh ! eh !

— Il n’y a donc ici, mon pauvre Rançonnet, —