Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/366

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reprit Mesnil, — disons le mot… qu’une cochonnerie. Mais ce que je trouve beau, moi, et très beau, ce que je me permets d’admirer, messieurs, quoique je ne croie pas non plus à grand’chose, c’est cette fille Tesson, comme vous l’appelez, monsieur Reniant, qui porte ce qu’elle croit son Dieu sur son cœur ; qui, de ses deux seins de vierge fait un tabernacle à ce Dieu de toute pureté ; et qui respire, et qui vit, et qui traverse tranquillement toutes les vulgarités et tous les dangers de la vie avec cette poitrine intrépide et brûlante, surchargée d’un Dieu, tabernacle et autel à la fois, et autel qui, à chaque minute, pouvait être arrosé de son propre sang !… Toi, Rançonnet, toi, Mautravers, toi, Sélune, et moi aussi, nous avons tous eu l’Empereur sur la poitrine, puisque nous avions sa Légion-d’Honneur, et cela nous a parfois donné plus de courage au feu de l’y avoir. Mais elle, ce n’est pas l’image de son Dieu qu’elle a sur la sienne ; c’en est, pour elle, la réalité. C’est le Dieu substantiel, qui se touche, qui se donne, qui se mange, et qu’elle porte, au prix de sa vie, à ceux qui ont faim de ce Dieu-là ! Eh bien, ma parole d’honneur ! je trouve cela tout simplement sublime… Je pense de cette fille comme en pensaient les prêtres, qui lui donnaient leur Dieu à porter. Je voudrais savoir ce qu’elle est devenue. Elle est