Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/374

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l’ai connu ! Eh ! parbleu ! il était avec moi au 8e dragons.

— Puisque tu l’as connu, — reprit Mesnilgrand, — tu ne l’as pas connu seul. Il était arrivé au 8e dragons, arboré d’une femme…

— La Rosalba, dite « la Pudica », — fit Rançonnet, — sa fameuse… — Et il dit le mot crûment.

« Oui, — repartit Mesnilgrand, pensivement, — car une pareille femme ne méritait pas le nom de maîtresse, même de celle d’Ydow… Le major l’avait amenée d’Italie, où, avant de venir en Espagne, il servait dans un corps de réserve avec le grade de capitaine. Comme il n’y a ici que toi, Rançonnet, qui l’ait connu, ce major Ydow, tu me permettras bien de le présenter à ces messieurs et de leur donner une idée de ce diable d’homme, dont l’arrivée au 8e dragons tapagea beaucoup quand il y entra, avec cette femme en sautoir… Il n’était pas Français, à ce qu’il paraît. Ce n’est pas tant pis pour la France. Il était né je ne sais où et de je ne sais qui, en Illyrie ou en Bohême, je ne suis pas bien sûr… Mais, où qu’il fût né, il était étrange, ce qui est une manière d’être étranger partout. On l’aurait cru le produit d’un mélange de plusieurs races. Il disait, lui, qu’il fallait prononcer son nom à la grecque : Άϊδον, pour Ydow, parce qu’il était d’origine