Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/375

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grecque ; et sa beauté l’aurait fait croire, car il était beau, et, le Diable m’emporte ! peut-être trop pour un soldat. Qui sait si on ne tient pas moins à se faire casser la figure, quand on l’a aussi belle ? On a pour soi le respect qu’on a pour les chefs-d’œuvre. Tout chef-d’œuvre qu’il fût, cependant, il allait au feu avec les autres ; mais quand on avait dit cela du major Ydow, on avait tout dit. Il faisait son devoir, mais il ne faisait jamais plus que son devoir. Il n’avait pas ce que l’Empereur appelait le feu sacré. Malgré sa beauté, dont je convenais très bien, d’ailleurs, je lui trouvais au fond une mauvaise figure, sous ses traits superbes. Depuis que j’ai traîné dans les musées, où vous n’allez jamais, vous autres, j’ai rencontré la ressemblance du major Ydow. Je l’ai rencontrée très frappante dans un des bustes d’Antinoüs… tenez ! de celui-là auquel le caprice ou le mauvais goût du sculpteur a incrusté deux émeraudes dans le marbre des prunelles. Au lieu de marbre blanc les yeux vert de mer du major éclairaient un teint chaudement olivâtre et un angle facial irréprochable ; mais, dans la lueur de ces mélancoliques étoiles du soir, qui étaient ses yeux, ce qui dormait si voluptueusement ce n’était pas Endymion : c’était un tigre… et, un jour, je l’ai vu s’éveiller !… Le major Ydow était, en même temps,