Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/123

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Alors, tout à la fois avec un geste plein de noblesse et d’enfantillage, Hermangarde plia le genou sur le coussin, brodé par elle, qui soutenait les pieds de sa grand’mère, et elle tendit le front à la marquise qui l’embrassa avec une tendre effusion.

« Ne va pas être jalouse, petite, — dit madame de Flers, — et vous, — continua-t-elle, en se tournant vers Marigny qui admirait silencieusement la pose charmante de mademoiselle de Polastron, offrant sa tête dorée à la lèvre maternelle, et dont le col incliné luttait de suave éclat avec le mantelet d’hermine qu’elle n’avait pas détaché, — et vous, je vous permets de l’embrasser, là, sur le front. »

Et elle toucha l’entre-deux des longs sourcils de sa petite-fille, si ouverts par la confiance de la vie.

Marigny se pencha et obéit avec transport. Il sentit le beau front de marbre qu’il touchait pour la première fois, résister d’abord, puis s’affaisser en arrière sous ce baiser. Quand il se releva, le marbre blanc était devenu rose, et la jeune fille troublée cachait son émotion dans ses mains.

« Bonsoir donc, maman, — dit-elle bien vite après un silence, en quittant les pieds de sa grand’mère. Elle n’hésitait plus à partir !