Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après la plus innocente caresse, les jeunes filles aiment tant à se plonger dans la rêverie ! La pudeur et l’amour l’entraînaient du même côté et lui créaient un besoin de solitude. Elle emportait assez de bonheur pour son insomnie, dans le souvenir de ce premier baiser !…

« Et vous aussi, bonsoir ! » — dit-elle lentement à Marigny, en veloutant ce vous de toutes les tendresses de son âme, et elle lui tendit avec mélancolie le bouquet de violettes de Parme qu’elle avait respiré tout le soir.

Puis elle disparut dans la pénombre mystérieuse de la lampe, sous les draperies de la portière, blanche et bleue et toute vaporeuse, malgré le mantelet de fourrure qui rappelait le Nord, et qu’elle portait avec tant de légèreté sur son corsage de Walkyrie.

« Merci, ma mère ! » — dit alors Marigny, oppressé de bonheur et de reconnaissance, en prenant la main de madame de Flers.

Mais elle, changeant subitement de ton et de physionomie et le regardant de ses beaux yeux frais encore et animés d’une pénétration lumineuse :

« Si c’était le baiser d’adieu ? — dit-elle, réfléchie, presque sévère, à Marigny qui ne comprit pas.

« Oui, si c’était le dernier baiser, — reprit-