Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/20

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ou se parle, qui sont presque des fascinations. L’artiste catholique reculera-t-il devant les séductions du vice ? Étouffera-t-il ces éloquences de la passion ? Devra-t-il s’abstenir de peindre l’un et l’autre, parce qu’ils sont puissants tous deux ? Dieu, qui les a permis à la liberté de l’homme, ne permettra-t-il pas à l’artiste de les mettre dans son œuvre à son tour ?… Non, Dieu, le créateur de toutes les réalités, n’en défend aucune à l’artiste, pourvu, je le répète, que l’artiste n’en fasse pas un instrument de perdition. Le Catholicisme n’éclope pas l’art par peur du scandale. Il est bon même parfois que le scandale soit.

Il y a quelque chose {qu’on me passe le mot) de plus catholique qu’on ne croit dans l’inspiration de tous ces peintres qui se sont plu à retracer la beauté splendide comme l’or, la pourpre et la neige, de cette bouchère, de cette bourrèle d’Hérodiade, l’assassine de saint Jean. Ils ne l’ont privée d’aucun de ses charmes. Ils l’ont faite divine de beauté, en regardant la tête coupée qu’on lui offre, et elle n’en est que plus infernale d’être si divine ! Voilà, en tout, comme l’art doit s’y prendre. Peindre ce qui est, saisir la réalité humaine, crime ou vertu, et la faire vivre par la toute-puissance de l’inspiration et de la forme, montrer la réalité, vivifier jusqu’à l’idéal, voilà la mission de l’artiste. Les artistes sont ca-