Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/229

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nalyse pas près de sept années, heure par heure, et d’ailleurs j’ai hâte d’abréger ce récit que vous m’avez demandé. Fut-ce uniquement la bizarre amertume que la mort de notre enfant versa dans l’âme de Vellini qui fut fatale à notre amour, ou le temps fit-il seulement son travail ordinaire dans nos cœurs ? Toujours est-il que la passion d’abord éprouvée, la passion exclusive, absorbante, commença bientôt de faiblir. Nos caractères, après s’être touchés si rudement, s’envenimèrent. Nous vîmes en dehors de nous, au delà de cette intimité qui allait ne plus nous suffire, une vie, un intérêt, des jouissances auxquelles nous n’avions pas pensé jusque-là. Depuis deux ans, surtout, et pendant la grossesse de Vellini, cette disposition de fatigue et d’aspiration ennuyée vers un changement quelconque s’était marquée davantage. Aujourd’hui, elle éclatait autant en Vellini qu’en moi. Mais femme, elle n’en convenait pas vis-à-vis d’elle-même ; car les femmes ont peur et le cœur leur défaille quand il faut jeter la dernière pelletée de terre sur un amour expiré et dire comme Pascal : « En voilà pour jamais ! » On n’aime plus qu’on s’embrasse encore, qu’on n’ose avouer qu’on ne s’aime plus. Nous étions revenus à Paris, plus lassés de nous, l’un et l’autre, que d’avoir si longtemps voyagé. Quant à moi, surtout, je ne rapportais pas une