Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/250

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« — Je ne sais pas, — répondit-elle, — mais je m’ennuie.

« — C’est peut-être ce balcon et ce jasmin d’Espagne — repartis-je — qui te donnent le mal du pays ?

« — Tiens ! — reprit-elle avec explosion, — si c’était cela ! — Et tombant de mon cou sur la pointe de ses pieds chaussés de satin, elle se précipita sur les jasmins, les hacha de cent coups de poignard, en fit voler les fragments au-dessus de sa tête, renversa les jardinières et jeta deux superbes vases d’héliotrope, en porcelaine de Chine, par-dessus la rampe du balcon.

« — Tu es donc toujours la Vellini d’autrefois ? — lui dis-je en souriant de ces sensations impétueuses, — toujours la folle fille à qui rien ne doit résister ?

« — Ah ! c’est la vie qui me résiste ! — répondit-elle avec l’accent d’une tristesse tragique, frappant du pied et poignardant le vide autour d’elle. — Je ne sais pas ce que j’ai, mais je souffre… J’étais plus heureuse avec toi, Ryno.

« — Est-ce que Cérisy te contrarie, ma pauvre fille ?

« — Lui !!! — dit-elle. — Tu sais donc cela ?… Ils te l’ont écrit ? Oh ! non, il ne me contrarie pas, le pauvre garçon. Il m’aime avec une adoration d’esclave. Seulement son adora-