Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/266

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avait osé dire. — Vous repentiriez-vous d’avoir été vrai ? Rassurez-vous. Je ne démarierai point Hermangarde. Vous avez été confiant, eh bien ! ce sera confiance pour confiance. Ah ! monsieur de Marigny, il faut que vous aimiez beaucoup ma chère petite-fille, pour vous donner les airs de douter de moi !

— Ainsi, ce que je vous ai dit n’a pas changé vos résolutions ! — s’écria Marigny transporté.

— Non, — répondit-elle. — Pendant que vous me parliez de cette Vellini, j’ai senti, il est vrai, à plusieurs reprises, quelque chose qui s’effrayait en moi ; mais je me suis dit que tout considéré, il n’y a pas de mariage possible, si on exige un bonheur démontré certain. C’est assez triste, cela ; mais il ne s’agit pas de gémir sur la nature humaine : il s’agit de marier ma petite-fille, à moi, qui ai soixante-quinze ans. En brisant votre mariage aujourd’hui, je pourrais la laisser dans les larmes que ma vieille main n’essuierait pas… J’ai d’ailleurs pour garantie de bonheur, qui est toujours une question, quoi qu’on fasse, votre amour et votre loyauté, Marigny, la beauté sans égale d’Hermangarde et cet éloignement dont vous avouez vous-même la nécessité. On s’est embarqué souvent avec moins de lest sur la mer où vous allez naviguer. »