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ces entortillements de serpent câlin aux pieds des femmes ne sont que l’expression de son orgueil et de son mépris pour nous. Il veut dominer, despotiser les âmes, et trouver dans les relations de l’amour une influence que les hommes qu’il blesse lui contestent, et que les circonstances ne lui ont pas donnée sur eux. Avec les hommes, il n’a pas toutes ces coquetteries. Il ne cache pas la conscience qu’il a de lui-même, et par là il les offense, même sans y penser. Mais avec nous son orgueil est bien plus à l’aise, car il est reçu par la vanité des hommes qu’on ne s’abaisse jamais devant nous. Il fait donc avec nous ce qu’il est trop fier pour faire avec ses semblables, et tout cela, marquise, bien moins pour trouver ce que nous pouvons donner, le bonheur dans la tendresse, que pour conquérir un pouvoir. »

Mme d’Artelles était d’un temps où les gens du monde aimaient à tracer des portraits. Elle venait d’en faire un. Mme de Flers, qui allait porter sa tasse de thé à ses lèvres, la replaça sur le plateau.

« Vertu de femme ! comme vous y allez ! — dit-elle. — Mais c’est là un portrait de sombre fantaisie, et vous m’aviez promis des faits positifs.

— Des faits positifs ! — dit l’intrépide comtesse que rien n’embarrassait, que rien ne dé-