Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/37

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encore plus belle que je ne l’étais, et elle ensorcellera son mari !

— Croyez-vous ? — fit Mme  d’Artelles avec une tristesse douce et profonde, la tristesse d’un scepticisme sans espoir. — Est-ce qu’il est, votre futur beau-fils, de ces têtes-là qu’on ensorcelle ? Je l’ai beaucoup vu chez vous et dans le monde. Je l’ai beaucoup étudié. Vous m’avez parfois trouvée pénétrante, mais je ne crois pas qu’un pareil homme puisse porter le poids d’une domination quelconque, si allégé qu’il soit par l’amour. Il a des facultés d’esprit fort étendues, c’est incontestable ; mais, né pour le commandement, il porte dans toutes les relations de la vie une ambition d’influence qui le rend peu propre à en subir une. Ses passions sont des passions de maître. Voyez comme, malgré son amabilité, trop charmante pour n’être pas jouée, il opprime déjà Hermangarde  ! comme, avec un froncement de sourcils, il la fait obéir et trembler ! Et pourtant Hermangarde est un caractère fier et résolu ! Cela m’a bien souvent révoltée. Ses manèges ne m’en imposent point. Il passe pour très éloquent auprès des femmes. Il les magnétise avec des flatteries adorables ou des impertinences qu’il a l’art de doubler de tendresses. Il a des paroles obscures et chatoyantes qui font rêver. Mais toute cette éloquence, tous