Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/100

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convenances, de vous envelopper dans cette indifférence polie sur laquelle l’observation la plus aiguë glisse comme sur une armure sans défaut.

— J’aurai bien de la peine, grand’mére, — reprit naïvement Hermangarde, — à regarder jamais comme une autre femme la femme qui aura été aimée de Ryno.

— Mais elle ne l’est plus, — fit la marquise. — Hélas ! on dit qu’elle a été bien imprudente ; qu’elle a malmené son bonheur. Il ne faut pas toujours, mon enfant, — ajouta cette doctoresse de l’amour, se dodelinant dans sa cape noire comme un docteur dans ses hermines, et qui profitait de tout hasard pour professer à sa petite-fille une science qu’elle possédait à fond ; — il ne faut pas rejeter tous les torts sur les hommes, s’il vient un jour où ils se détachent. La faute en est aussi aux femmes qui abusent de leur puissance ou ne savent pas s’en servir. Je te le disais, il n’y a qu’un moment, mon beau cœur. Ce n’est pas tout que d’aimer et d’être aimée. Il y a l’amour ; puis il y a la politique de l’amour. C’est une politique obligée. Les femmes qui n’entendent pas le gouvernement du cœur qui les aime, perdent bientôt leur empire. On dit que c’est l’histoire de madame de Mendoze. C’est une âme charmante, mais les âmes charmantes doivent être