Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/99

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tête-là ? » — lui dit-elle, comme si le même sang qui passait dans leurs cœurs l’eût avertie des sentiments de sa fille aimée, et comme si l’expérience de toute sa vie dût s’opposer à ces sentiments trop sublimes, — inutiles toujours, quand ils ne sont pas dangereux.

— « Oui, — répondit Hermangarde, — ce sont des choses impossibles. Je pensais à aller au-devant de cette femme qui a aimé Ryno, et qui en a été aimée. Je pensais à lui demander pardon de mon bonheur… Et si j’y allais cependant, il est bien probable que je la blesserais davantage.

— Vous êtes une noble et bonne femme, ma chère fille, — dit la marquise, — mais c’est une nécessité de la vie de ne pouvoir se livrer à ses meilleurs sentiments. Non seulement le monde, qui met d’indignes motifs sous toutes choses, expliquerait de travers la moindre démarche que tu ferais vis-à-vis de madame de Mendoze, mais peut-être elle-même n’y comprendrait-elle rien non plus. Tu n’es plus pour elle qu’une rivale heureuse et ta pitié l’injurierait. Entre elle et toi, il y a un mur plus haut que la muraille de la Chine. C’est ton mariage. Vous pouvez vous rencontrer dans le monde, puisque vous appartenez toutes deux à la même société, mais cette société vous fera un devoir l’une et à l’autre, de par l’autorité de ses