Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/110

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Il fallut mettre un terme aux tendresses. La marquise de Flers, qui lisait dans l’âme de sa petite-fille à travers les grosses larmes qui perlaient dans ses fiers et modestes cils d’or, désirait qu’elle montât à cheval sous ses yeux. Elle savait combien le mouvement physique soulage l’âme à certains moments ; et puis, ayant l’enfantillage des mères comme elle en avait la sublimité, elle voulait réjouir ses yeux de la grâce hardie de sa Bradamante. Hermangarde descendit donc de voiture avec son mari. Ryno plaça lui-même le cheval qu’il amena à sa femme, et, prenant dans sa main le pied chaussé de daim qu’elle souleva, il la mit vivement en selle. L’impatient et bel animal dansa bientôt sous ce léger poids qui faisait plier ses reins frémissants. Il semblait orgueilleux de porter Hermangarde, comme si Dieu lui avait donné l’intuition de la beauté humaine, et il jetait autour de lui, des coups de sa tête hennissante, les écumes blanches qui noyaient son mors. En un clin d’œil, Marigny fut à côté de sa femme sur le cheval qui lui était destiné,

— « Trouvez-moi un plus beau couple, dans tout le faubourg Saint-Germain ! » dit tout bas, mais ravie, la marquise à madame d’Artelles.

Ils approchèrent et maintinrent leurs ardentes montures contre la portière de la berline, et ils recueillirent, en baisant les mains