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habituelles : Une grand’mère, c’est deux mères l’une sur l’autre. Ce que l’une oublierait, si c’était possible, pour le bonheur de sa fillette, l’autre ne pourrait pas l’oublier.

Mais, disons-le à l’honneur de Marigny et d’Hennangarde, cette généreuse amabilité échoua dans l’abnégation de ses tentatives. Pour la première fois, ils restèrent inertes et sans écho aux vibrations de cet esprit qui cachait des sanglots dans ses harmonieuses résonances. Tout le temps qu’ils passèrent avec la marquise, ils n’entendirent en l’écoutant que cette voix de l’adieu qui fait saigner le cœur quand la bouche rit. Arrivés à l’endroit marqué pour la séparation, la voiture s’arrêta un moment. Les chevaux fumaient. Ils respirèrent. On était à peu près au centre de la lande de la Haie d’Hectot, point élevé et nu, d’où l’on découvrait à droite et à gauche un paysage accidenté. Le ciel était gris ; l’horizon bleuâtre. La vapeur des chevaux roulant mollement autour de la berline, fondait la fraîcheur de l’air et permettait de lever les glaces de la voiture. Hermangarde tint madame de Flers embrassée longtemps.

— « Adieu, bonne maman ! — lui répétait-elle. — Vous partez et nous restons, mais quand vous voudrez de nous, faites un signe et nous retournerons à Paris. »