Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle était vêtue comme une femme qui descendrait de vaisseau, après une traversée. Elle avait une robe de voyage, en étoffe écossaise, à grands carreaux écarlates avec un pantalon de la même couleur. Si elle eût porté la capote écrue et l’éternel voile vert britannique, on l’eût prise pour une femme de ces îles, — une Jerseyaise ou une Guernéseyaise, récemment débarquée. Mais sa tête était coiffée de cette gracieuse casquette de cuir verni que les officiers de marine portent à bord, et qui, attachée sous son menton par une jugulaire de soie tressée, seyait bien à son teint hâve et basané. Autour d’elle, tombé sans doute de ses épaules dans la fougue ou l’insouciance de son mouvement, on voyait un manteau goudronné, humide encore de l’eau de mer.

— « Ils m’ont reconnue avant toi, — dit-elle à Marigny, — mais je suis sûre que tu ne m’as pas plus oubliée qu’eux, Ryno ! »

Ainsi, sa première parole était une parole de ferme confiance. Il la retrouvait telle qu’il l’avait laissée, certaine de l’éternité des sentiments qui étaient entre eux.

— « Non ! je ne t’ai pas oubliée, — dit Marigny d’un ton qu’il s’efforça de rendre sévère. — Mais pourquoi es-tu venue ici, Vellini ? »

Ses sourcils, presque barrés, dansèrent sur ses yeux une danse formidable :