Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/143

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doigt, elle indiqua les Rivières à l’horizon. Je voulais te revoir, te parler, rôder, s’il le fallait, autour de ta demeure. Ils te connaissent tous sur cette côte. Je dis aux pêcheurs de là-bas de me conduire à Carteret, au manoir de Flers. La mer était trop haute, dirent-ils, on ne pouvait passer le pont. Mais qu’est-ce que la mer, Ryno ? — continua-t-elle avec l’orgueil de ces volontés qu’il connaissait. — Qu’est-ce que la mer, qu’est-ce que l’obstacle devant les désirs de Vellini ? Je commandai, je payai ; ils prirent une chaloupe et nous allâmes heurter, de cette chaloupe, les murs entre lesquels tu étais heureux ! Deux fenêtres brillaient dans l’obscurité, « C’est là qu’ils sont maintenant, » pensai-je, et je me mis à pousser un cri qui devait aller jusqu’à toi. — « Il me reconnaîtra, — disais-je ; — ce cri interrompra peut-être une de ses caresses à sa femme. Il se dira : Vellini est là ! » Et je recommençai ce cri que j’aurais voulu plonger dans ton cœur à travers ces murs. J’avais deviné. Tu avais entendu. Vous vîntes à la fenêtre. Je vis vos deux ombres se mouvoir sur la lumière placée derrière vous. Que vous disiez-vous ? Vos fronts rapprochés, ces murs silencieux qui vous gardaient, me donnaient la fièvre. La brise froide, les gouttes d’écume que me jetait la vague me faisaient du bien. Je leur dis de pêcher, s’ils voulaient, et que je resterais avec eux. Ils prirent