Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/152

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cristal. Le soleil levé derrière Barneville, — maintenant sur Saint-Georges, — frappait obliquement la plate-forme où venait de se passer une scène bien étrangère aux mœurs calmes de ces rivages. Cette scène passionnée, dont le théâtre s’était trouvé entre le ciel, la terre et l’eau, devait n’avoir, à ce qu’il semblait, d’autres témoins que Dieu et les goélands qui étaient passés sur la tête de Ryno et de Vellini, et qui, effrayés de leurs voix, étaient montés plus haut de quelques coups d’aile. Par un hasard inaccoutumé sur ces plages, longées toujours par quelque brick tirant vers Cherbourg ou par les bateaux côtiers occupés à la pêche, il n’y avait pas le triangle d’une seule voile en mer. Aucun être vivant ne se montrait non plus dans les mielles, pas même le douanier, que le froid de la saison (déjà avancée) avait fait rentrer dans son trou de sable. Tout était désert. Ce n’était pas l’heure des jambes nues, des pêcheurs de crevettes et de homards, qui ne vont à la mer que quand elle est basse et quand les rochers sont découverts. Personne n’avait donc aperçu, de près ou de loin, ce groupe étrange qui s’agitait sur la plate-forme : personne, — excepté le seul être qui pût y prendre garde et en souffrir.

Hermangarde, après avoir écrit une longue lettre à sa grand’mère, avait sonné et demandé