Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une fois emporté son patois normand au bout du monde, mais qui l’en avait toujours rapporté.

Elle courut plutôt qu’elle ne marcha le long du havre, mais elle vit bientôt Ryno revenir à elle aussi vite qu’elle allait à lui. Le premier soin de M. de Marigny rentré avait été de demander sa femme. On lui avait répondu qu’elle était sortie pour le chercher depuis plus de deux heures. L’inquiétude le saisit. Il savait sa femme indisposée ; il craignit qu’elle n’eût froid sur la côte si tard. Il prit vite pour elle un grand manteau de martre zibeline et se précipita à sa recherche. Quand il la vit qui revenait, il s’élança vers elle avec la rapidité de la flèche. Mécontent de lui-même, irrité presque contre sa faiblesse pour avoir partagé les émotions de la scène de la Vigie, il avait besoin de revoir l’ovale de ce calme visage, l’astre sans nuage de sa vie, et de plonger son âme dans l’eau bleue de ces yeux charmants d’où elle devait sortir rafraîchie et purifiée, comme d’une céleste fontaine.

Que ne devint-il pas quand il vit le ravage de deux heures d’angoisse sur les traits d’Hermangarde ?… Pour la première fois, ces traits placides étaient frappés de la mate meurtrissure des larmes. Avec son mouchoir noué sous son menton et qui lui encadrait le visage