Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/170

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et sous la garde bénie des mauvais temps et des mauvais chemins. Le foyer domestique se concentre. Le coin du feu devient toute la maison. On y vit et on s’y réchauffe, assis tous deux sur la même causeuse, — ce meuble inventé par l’amour, — entre les feuilles rapprochées de quelque paravent de laque qui double la chaleur en la retenant, et jette une ombre de plus sur le corps, un mystère de plus sur la pensée ! On y alimente ses rêveries en entendant le grillon, — cette cigale de l’âtre de l’homme, — qui chante dans la cendre chaude, comme la cigale de l’été chante dans les blés brûlés de soleil, — et plus loin, au dehors, derrière les remparts transparents des fenêtres, les hurlements du vent du Nord dans les brisants de la falaise, le flagellement de la vitre sous la pluie qui fume, et le silence (car le silence s’entend) de la neige perpendiculaire, qui tombe en paix des sommets du ciel, comme les duvets d’un cygne, plumé par une main cachée dans les nues. Toutes ces musiques éoliennes de la Nature soupirante ou gémissante bercent l’âme et l’endorment comme dans un hamac d’harmonies. Et ce n’est là pourtant encore qu’une partie de nos sensations ! Dans cet ovale, dessiné par le paravent, dans ce coin du feu toujours allumé, toujours irradiant, la femme aimée prend des expressions et des reflets qui communiquent à