Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/171

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sa beauté des caractères qu’on ne lui avait jamais connus. Le jour, sous les triples draperies des rideaux, filtre à peine dans l’appartement. Des clartés voilées luttent et succombent aux angles du salon, dont les bustes blancs trempent dans l’ombre. Toute la lumière part de la cheminée comme de son sanctuaire. Tantôt éclatante et joyeuse avec la flamme sonore du sarment qui pétille et meurt et qu’on appelle joie de mariage, pour en marquer la chaleur et la gaieté éphémère ; tantôt sombre et pourtant ardente avec l’embrasement pénible du chêne, elle colore de teintes, si différentes dans leur couleur unique, la tête chérie, qu’on dirait les touches diverses de plusieurs pinceaux. Au sein de cette pénombre, vermillonnée par la flamme, les yeux charmeurs ont des étincellements de caméléon et de rubis, comme la tradition antique en prêtait au dauphin expirant. Les cheveux d’or — la chaîne de notre vie — se bronzent ou rougissent… La joue pénétrée monte par des transitions successives toute la gamme de la couleur de l’amour, depuis le rose vaporeux et tendre jusqu’au pourpre le plus profond ; et elle rit ou sourit, la reine de notre cœur, la flamme perle encore sa goutte incarnadine sur l’émail humide de ses dents érubescentes. Ah ! pour des êtres épris l’un de l’autre, que les jours d’hiver, ces moitiés de nuit si touchantes,