Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/176

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tions infaillibles, il est évident que ce n’est pas dans ces délicats chiffons qu’elles cousent ou coupent, mais dans leur âme. Hermangarde ne trouva donc point dans son ouvrage ce qu’elle y cherchait. Elle aurait dû le savoir. N’y avait-il pas dans le boudoir gris et rose de la rue de Varennes un tapis dont toutes les fleurs, brodées pendant ses derniers jours de jeune fille, avaient été autant de préoccupations d’amour ?.. La marquise appelait, en riant, ces fleurs, dans le cœur ouvert ou fermé desquelles sa petite-fille avait versé tant de pensées : les acrostiches de M. de Marigny. Le même fait, mais aujourd’hui douloureux, se produisait avec l’exactitude d’une loi. Hermangarde fuyait ses pensées, et elle les fixait devant ses yeux, sous chaque point d’aiguille. Aussi les attendrissements augmentèrent. De grosses larmes qui ne passaient point sur les tremblantes rondeurs des joues, à cause de l’inclinaison de la tête, tombèrent de ses cils sur ses mains et sur son feston. Elle oublia de les essuyer. D’autres revinrent, puis d’autres encore… Enfin n’y voyant plus, entraînée, vaincue par le flot montant de ce déluge de larmes, elle laissa choir ses mains mouillées sur ses genoux, renversa sa tête sur le dossier de la causeuse et s’abandonna à cette crise de pleurs, — comme certains oiseaux se mettent à boire quand ils ne sont pas observés.