Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/191

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casquette de toile cirée, nouée sous le menton, que portent les officiers de marine à bord. Cette coiffure un peu sur l’oreille, cette mine grave, indolente et soucieuse, entrevue dans l’ombre et dans la vapeur du cigare ; ce teint où un sang noir, largement empâté de bile, écrivait à grands traits qu’il appartenait à la même race que ces matelots, fils hâlés du soleil, qui goudronnaient leur bâtiment ; ces vagues moustaches, fumée de plus dans la fumée, reflets de velours aux bords de la lèvre, et ce regard d’un noir profond qui décochait parfois un éclair du fond de ses ténèbres, tout cet ensemble fit, pendant un instant, illusion à madame de Marigny. Elle se rappelait pourtant confusément ce tragique visage. Où l’avait-elle vu ? Elle l’avait aperçu, il est vrai, dans la voiture de madame de Mendoze, le temps de passer sur le pont de la Haie d’Hectot. Elle le rencontrait ici sous une coiffure d’homme, caché à moitié, et à moitié éclairé. Comment pouvait-elle le reconnaître ? Elle ne le reconnaissait pas. C’était un souvenir vague et voilà tout. Il traversait comme un rayon pâle l’attention qu’elle prêtait au père Griffon et à ses récits. Malheureusement, lorsque le matelot finissait son histoire de la Caroline, Titania, qui avait tracé de longs circuits dans le brouillard, comme tous les chiens, captifs longtemps, puis