Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/192

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lâchés tout à coup au grand air, revenue auprès du feu devant lequel se tenait Hermangarde, alla se jeter avec une joie convulsive sur la cape grise, qui, impatientée de ses folles caresses, fit un geste impérieux et cria à la chienne, d’une voix pleine de colère, ces mots espagnols que Titania sembla comprendre, mais qu’Hermangarde n’entendit pas :

« Afuera, perro del diable, afuera ! »

Et sa main s’était levée. La cape, dérangée par ce mouvement, s’entr’ouvrit, et madame de Marigny put apercevoir cette robe à carreaux écarlates qu’elle avait vue flotter sur la Vigie, « Titania ! — fit-elle avec une joie surprise et déjà pleine d’angoisse, — Titania ! » Mais Titania s’était couchée aux pieds de son ancienne maîtresse, sourde à la voix qui l’appelait, immobile, presque révoltée. Croira-t-on ce détail, madame de Marigny, qui ne savait pas d’où venait Titania, eut le cœur percé de cette désobéissance. Elle crut que ce qui était de la fidélité encore dans ce noble animal, toujours fidèle, se tournait pour elle en trahison.

— « Père Griffon, — dit-elle émue, foudroyée, mais encore assez maîtresse d’elle-même pour baisser la voix et entraîner le matelot à l’écart, — savez-vous quelle est cette femme qui est assise sur un paquet de cordes là-bas ?