Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/213

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trop ! Ici, du moins, s’il faut attendre la fin d’un amour périssable (il l’est, puisque le nôtre a bien péri !), je te verrai, je t’entendrai, je ne serai pas entièrement rejetée de ta vie. Je resserrerai chaque jour davantage le cercle au fond duquel nous serons plus tard réunis. Ne fronce pas tes sourcils, Ryno ! Qu’est-ce que Vellini te demande ? rien que te voir ! rien que te voir, comme à Paris, où tu venais tous les soirs, rue de Provence, pendant ton amour pour cette comtesse que voilà morte, et aussi pendant ton autre amour pour ta femme, alors ta fiancée,

« Ne me résiste pas, Ryno ! Que crains-tu ? Ne suis-je pas restée muette et calme, l’autre jour, — le jour du brouillard, — en face de la femme que tu aimes ? Ai-je cillé, même en la voyant dans tes bras, sur ce cheval qui vous emporta tous les deux ?… Et pourtant tu m’as ainsi portée, comme tu la portais, bien des fois dans notre jeunesse. Tu n’y pensais pas. Tu lui mettais toute ta pensée autour du corps, dans les plis étreints de sa pelisse. Il n’en restait ni pour Vellini, ni pour nos souvenirs. Moi seule, j’y pensais en vous regardant, et l’image des jours passés, levée tout à coup dans mon âme, n’a pas fait trembler mon cigarro dans mes lèvres. Je suis demeurée impassible. L’âme de ma mère m’aura soutenue. Que crains-tu donc de ta muchacha ? Je ne suis pas une de tes femmes de