Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/214

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France, Ryno. Je ne déchirerai pas le cœur d’Hermangarde. Non ! je ne frapperais pas son bonheur du bout de mon abannico[1]. Je suis si sûre qu’il doit mourir ! Jamais, de moi à toi, hombre, il ne m’échappera un mot amer ou moqueur sur cette femme qui porte ton nom et qui t’aime. Si je t’aimais avec la furie d’autrefois, je serais capable d’un coup de couteau, mais toi qui as couché si longtemps sur ma poitrine, tu sais si je voudrais d’une perfide insinuation ou d’une ironie. Ces lâches façons d’assassiner ne sont pas dignes de la fille de ma mère. Ainsi, Ryno, ni profanations, ni imprudences, tu n’as rien à craindre de Vellini !

« Pourquoi donc ne me verrais-tu pas ? Pourquoi m’éviterais-tu, comme tu l’as fait toujours, depuis le jour de la Vigie ?… Pourquoi me laisserais-tu mourir, toi qui es bon, malgré ton orgueil, sur cette plage où je me traîne à toute heure, croyant vainement t’y rencontrer ?… Ah ! Ryno, toi, tu as dans les bras une femme que tu aimes comme tu m’as aimée. Tu es bien heureux ! Mais moi, ta vieille maîtresse, ta vieille aigle plumée par la vie, qui a fermé l’empan de ses ailes, j’ai croisé mes bras sur mon sein abandonné où nulle tête ne se mettra plus. Eh bien, cette idée que je suis seule,

  1. Éventail.