Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/226

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yeux perçants en avaient retenu l’éclat verdâtre, et leurs dents cette blancheur d’écume dont elles éblouissent, mais qui ne dure guères plus que le temps mis par le flot à déferler. Comme les phoques, ils vivaient encore plus dans le flot que sur la terre. La mer, c’était l’âme de leur vie. Ils étaient hardis avec elle, et ils en souffraient avec sourire — comme on souffre tout quand on aime — les terribles familiarités.

Le jour où Marigny avait reçu la lettre apportée par Capelin au manoir, Vellini, revenue de bonne heure de la Haie d’Hectot, n’était pas ressortie. La neige qui tomba abondamment une grande partie de la journée, l’avait traquée dans sa cabane. Elle y était restée, l’œil fixé sur une horloge grossière à poulie qui sonnait les heures avec un bruit éclatant, et dont le balancier de cuivre, large et rond comme un disque antique, oscillait contre le mur, blanchi à la chaux. Les dandys du cercle de la rue de Grammont ne se doutaient guères que la Vellini — cette fameuse muger del partido de la rue de Provence — comptait alors misérablement les heures dans une chaumine de pêcheur, au bord le plus ignoré de l’Océan. Elle se demandait si Ryno céderait aux implorations de sa lettre. Viendrait-il le soir comme elle l’en priait ? Avait-elle encore la voix qui persuade ? Cette incertitude et la mort de madame de