Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/230

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lière, comme jamais Bonine et Charline n’en avaient vu aux baigneuses de l’été et aux belles dames qui viennent prendre les eaux de la Taille au Prieuré. Cette robe était de satin chamois, avec des nœuds flottants de ruban noir. Les bras étaient nus avec trois ou quatre sortes de bracelets les uns sur les autres, mais ce qui frappa plus que le reste les deux curieuses, ce furent les pieds de la Mauricaude. Ils étaient chaussés de mules moresque d’écarlate, chaussure malagaise que la Vellini aimait à traîner en souvenance de son pays. Par la position qu’elle avait prise, renversée sur son banc d’épis vides, sa jupe était un peu soulevée, et on apercevait, par-dessus la soie du bas souple qui les couvrait, ses chevilles si fines et si rondes, emprisonnées dans les mêmes cercles, guillochés d’or, que ses poignets. Telle elle était, peignant sa tempe soucieuse, et regardant de temps en temps dans une petite glace pendue à son cou. Hélas ! ce n’était pas la coquetterie qui la faisait regarder, d’un œil si grand ouvert, au fond de ce miroir presque grossier, encadré dans un étain vulgaire. On eût dit qu’elle y regardait une autre qu’elle. Elle ne s’y souriait pas. Elle avait entre les sourcils la même nuée que le matin, les mêmes plis aux lèvres, les mêmes lourdeurs dans le regard. Sa joue de jonquille semblait peinte,