Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/25

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veulent être seuls. C’est au mieux. Mais il est convenu que les deux douairières retourneront à Paris. Nous les laisserons aux bras l’un de l’autre, et nous causerons d’eux avec vous, cet hiver, dans le boudoir rose et gris de la rue de Varennes. Nous n’avons pas envie de nous priver encore de la vue d’une félicité conjugale qui fait la nôtre, en mourant mal à propos d’une goutte rentrée ou d’un catarrhe. À nos âges, le froid est mortel. Il faut beaucoup d’ouate aux choses fragiles. Le froid nous chassera d’ici comme les hirondelles, seul rapport que des vieilles comme nous aient avec les oiseaux du printemps ! Nous filerons aux premières bises. Mais quand sera-ce ? Je n’en sais rien. L’automne n’est pas beaucoup avancé, cette année. C’est la plus belle saison en Normandie. Vous avez certainement le temps de me répondre et de me raconter votre vie de là-bas comme je vous ai raconté la mienne. Que faites-vous ? Que devenez-vous ? Avez-vous revu cette Vellini que je ne crains plus ? Et cette pauvre madame de Mendoze, se console-t-elle enfin ou s’obstine-t-elle à mourir ?… Écrivez, vicomte. Je l’exige. La marquise vous envoie par moi les plus gracieux compliments qu’on puisse adresser à un indifférent comme vous. Moi, toujours indulgente, je vous aime malgré vos forfaits, et je vous enveloppe mille