Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/24

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Hermangarde préfère à Paris les côtes de la Manche. Extasiez-vous de cette fantaisie, mon cher contemporain ! Elle y veut rester tout l’hiver. Elle nous a, l’autre jour, déclaré cette résolution d’une âme enchantée, qui n’a pas encore apaisé son besoin d’intimité et de solitude. En l’entendant, nous avons frissonné, sa grand’mère et moi, par anticipation et par sympathie, car le froid est terrible dans ce château inhabité depuis longtemps et dont les murailles sont verdies par l’humide souffle qui vient de la mer. M. de Marigny exprima le même vœu que sa femme. Il tient extrêmement à ne pas rentrer de sitôt à Paris où il pourrait rencontrer de nouveau cette Malagaise avec laquelle il a vécu si scandaleusement pendant dix ans. La marquise, fort renseignée sur son histoire, est très touchée de cette précaution qu’il prend contre lui-même et contre d’anciens souvenirs. Mais moi, qui ai vu l’espèce de femme dont il s’agit et qui, à dater du moment où je l’ai aperçue, n’ai pu croire un mot des Mille et une Nuits que vous m’avez contées sur elle, j’estime la précaution de Marigny parfaitement inutile, et son mérite à peu près nul.

« Ainsi, tenez-vous-le pour dit, mon cher vicomte : ils passeront probablement l’hiver ici, puisqu’ils le désirent. Ils sont jeunes, ils sont forts, ils se portent bien, ils s’adorent, ils