Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/254

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— « Oui, c’est moi, — répondit-il, ne voulant pas avoir l’air de se cacher. — Avez-vous fait une bonne pêche, mon brave Capelin ?

— Nenny ! — repartit le pêcheur. — J’nons vu brin d’crabes. La mer n’y est pas, ni le vent non plus. Mauvais temps pour les pauvres gens, monsieur de Marigny ! La Caroline a rôdaillé toute la nuit sous les dunes. J’l’ai vue deux fois du côté de votre manoir.

— Je ne l’ai pas rencontrée, » dit Ryno d’un ton moitié incrédule et moitié sérieux ; car il trouvait inutile de blesser ces simples gens dans leurs illusions ou dans leurs croyances. Et il remit son cheval au trot.

Il arriva bientôt à la porte du manoir de madame de Flers. Il descendit pour ouvrir la grande porte rouge. Mais quel ne fut pas son étonnement, quand, en la poussant, il sentit qu’elle était ouverte et qu’elle tournait sans résistance sur son gond rouillé. Il apaisa avec un mot les hurlements des chiens qui le reconnurent, et il entra par le perron et la porte vitrée, qu’on ne fermait jamais, après avoir conduit son cheval à l’écurie et l’avoir lui-même débridé.

Le mot de Capelin sur la Caroline lui revenait à la pensée. Est-ce que les certitudes de l’homme ne se font pas avec des riens ?… Il alluma un flambeau dans la salle à manger ; et,