Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/253

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de la Nature. Parti du Bas-Hamet le front ardent, les artères palpitantes, l’âme embrasée, il s’éteignait peu à peu en s’avançant sur ces grèves neigeuses, vers la demeure où dormait Hermangarde trahie. Oui ! il s’éteignait sous le souffle de ce vent du nord, moins âpre que sa pensée, — comme une de ces torches élevées parfois par le douanier au sommet des dunes, pour avertir les navigateurs en détresse. Son cheval, qui marchait d’un trot allongé, troublait seul le silence nocturne par les hennissements du retour. Ces hennissements rappelaient à Ryno celui que le noble animal avait poussé à la porte de la cabane, et ramenaient dans son esprit une pensée qui l’avait traversé comme une flèche, et qu’il avait chassée comme la vision de l’impossible… Il la chassait encore, cette folle pensée, mais il en blêmissait tout en la chassant. Du train qu’il allait sur la lisière unie de la grève, il arriva bientôt au bras de mer et au Petit-Pont. Un homme le passait. Il s’arrêta court au milieu de la planche étroite, la main sur la gaule qui servait de parapet, en entendant les pas du cheval qui entrait dans l’eau.

— « Tiens ! c’est M. de Marigny, et bien attardé ! » dit une voix étonnée.

Marigny reconnut le pêcheur Capelin qui s’en revenait de la falaise.