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avait appris à Ryno), elle avait une certitude morne comme le malheur accompli. Elle allait recommencer de vivre sans se plaindre, les lèvres fermées par un sourire résigné, et une épée enfoncée jusqu’à la garde dans le sein, comme la Mater dolorosa du Stabat.

Pour une âme élevée, comme l’était Ryno, cette magnanimité du silence, cette grandeur de réserve touchante fut un genre de torture, inexorable, méritée, et qui devait durer longtemps. Pourquoi cesserait-il, en effet ? Les torts qu’il avait étaient irréparables. Hermangarde pouvait les pardonner ; mais il connaissait cette âme aux sentiments reployés et qui ne rendait rien de ce qui y entrait, comme la tombe. En pardonnant, elle se souviendrait. Elle n’oublierait pas. Or, si le pardon n’est pas l’oubli, il n’honore que celui qui pardonne ; mais c’est une humiliation qui s’ajoute, comme l’assaisonnement d’un poison, à la douleur du repentir. Ah ! l’avenir de ce mariage était bien brisé ! Il le fut deux fois. Hermangarde ne put résister aux fatigues morales et physiques de la terrible nuit où elle était allée secrètement au Bas-Hamet. Elle accoucha, avant terme, d’un enfant mort, et elle ne lui survécut que par le miracle de jeunesse et de force qui était en elle. « Ah ! pourquoi — pensa-t-elle alors — n’ai-je pas imité ma mère, morte en me donnant la nais-