Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/273

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comme un écho mélancolique. — Elle a souffert cruellement par nous. Elle a été frappée dans sa maternité même : son enfant est mort comme le nôtre, Vellini. — Et il ajouta avec un accent amer qui résumait toute son âme : — Je ne suis pas heureux en enfants ! »

La Vellini baissa la tête pour cacher à son ancien amant l’éclair fauve qui traversa ses prunelles. Une joie involontaire, plus forte que sa nature généreuse, lui était entrée dans le cœur, aux dernières paroles de Ryno. Elles lui rappelaient, il est vrai, une époque funeste de sa vie : l’arrachement, par la mort, d’un être aimé, de sa mamelle, la perte toujours saignante de sa Juanita ; mais l’idée que la femme de Ryno n’aurait pas sur elle la supériorité du don d’un enfant, offert à la mâle affection d’un père, lui coula dans les veines du cœur une immense dilatation.

Ils se turent encore. Est-ce que leurs paroles auraient pu contenir leurs pensées ?… Appuyés, épaule contre épaule, ils se laissaient aller au branle voluptueux de la lame bleuâtre, sous cette voile que le soleil chauffait d’un faible rayon. À cet air nitré d’une atmosphère marine, Ryno éprouvait dans le poumon, comme dans le cœur, un élargissement de tout son être, captivé, comprimé si longtemps. Malgré sa pitié et son amour pour Hermangarde, il se