Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/272

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pleurent sur nos jeunes femmes, elles ajoutent à la magie du passé un prestige plus irrésistible encore. Est-ce qu’on ne s’amnistie pas des fautes qu’on a faites, quand celles pour qui on les a commises sont de magnanimes créatures ? Pour régner sur des âmes qui ont de la noblesse, il n’est rien tel que de se montrer bon.

Il s’était tu, et elle ne parlait pas. Qu’eût-elle dit, cette femme sauvage, qui ne comprenait que l’amour et toutes ses furies, et qui le voyait pour la première fois, muet et désarmé, à force de fierté pure ? Cependant, la coquille de noix qui les berçait, dans sa concavité mobile, comme un nid d’oiseau balancé dans les rameaux par lèvent, fendait toujours les vagues amoncelées. Le flot, scindé par la proue, moutonnait, comme disent ces gens de mer qui composent leur langage d’Océan avec leurs souvenirs de pasteurs et rêvent ainsi à leur enfance. Ils avaient doublé la falaise, et là, ils avaient reviré de bord, creusant un sillage nouveau dans le sillage qu’ils avaient tracé. Arrêtés sur le plateau liquide d’une mer qui ressemblait à un bassin de vif-argent, tant elle était étincelante, ils avaient jeté le filet sous la barque immobile, en attendant le moment de débarquer Ryno sous les dunes, au commandement de Vellini.

— « Oui, pauvre Hermangarde ! — fit Ryno,