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telots sauvés du naufrage et suspendus à la voûte de cette église de la côte, elle avait offert à la Mère de Dieu les débris du sien, — ses souffrances d’épouse et la perte d’un enfant qui ne serait jamais remplacé. C’était la première fois depuis son mariage qu’elle priait avec cette ferveur, car, son bonheur, dont elle était bien punie, avait dévoré dans son âme la place qu’elle y devait à Dieu. Malgré la peine qui l’accablait, elle éprouva pourtant les influences de cette prière que le cœur lance vers Dieu comme une flamme, et qu’il fait retomber sur le cœur comme un apaisement. Elle ne fut pas consolée, mais elle devint un peu plus forte. Elle supporta mieux l’aspect de cette maison, théâtre de la félicité domestique la plus grande qui ait jamais existe, et dont tous les objets lui rappelaient, avec une éloquence désolée et muette, le bonheur qu’elle avait perdu.

Après sa mère dans le ciel, elle pensa à sa mère sur la terre, et elle se mit, en attendant Ryno, à écrire à la marquise de Flers. Pendant tout le temps qu’elle avait été si malade, c’était Ryno qui avait envoyé des nouvelles de Carteret à Paris. Ses lettres n’étaient que de simples bulletins de la santé de sa femme, tracés à la hâte au bord de son lit, et nuancés de tendresses et d’inquiétudes. Hermangarde pensa qu’une lettre d’elle, après toutes celles-là, pa-