Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/287

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raîtrait bien douce à la marquise, et lui attesterait, par sa longueur même, que son enfant était guérie. « Pauvre grand’mère, — murmurait-elle, les yeux baignés de ces éternelles larmes que l’on croit toujours les dernières et qui ne le sont jamais, — vous ne vous doutez point de là-bas que le bonheur, créé par vous à votre fille, n’existe plus ! » Et elle prit le portrait en médaillon qu’elle portait de cette reine des grand’mères, et elle le baisa avec une sainte ardeur de respect et de désespoir. Allait-elle lui écrire les événements qui l’avaient frappée ? Ressentait-elle, avec une puissance augmentée de la certitude de son malheur, le besoin de confiance qui l’avait tant de fois poussée à tout révéler à sa grand’mère et à se faire essuyer ses larmes par cette vieille main qui l’avait bercée et qui l’avait bénie ? Ah ! le besoin de se confier, le besoin de mettre sa tête sur une autre poitrine, quand on souffre, elle le sentait avec une énergie qui augmentait son malheur, car elle avait résolu d’y résister jusqu’à la fin. « Ô ma mère, — disait-elle intérieurement, en regardant un buste de cette jeune Antoinette de Flers, comtesse de Polastron, posé sur une encoignure de salon, et couvert d’un crêpe noir que la marquise n’avait pas soulevé depuis la mort prématurée de sa fille, — ô ma mère, je vous ai coûté la vie par ma naissance, mais je