Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/296

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rien n’avait jamais étincelé que l’amour et que la colère. Penchée comme elle l’était sur Ryno, elle le couvrait tout entier de son corps incliné, en le regardant. Lui, la voyait de bas en haut, à la lueur fumeuse de la torche qui donnait aux lignes de son buste les tremblements incertains d’une apparition. La vue attachée à la sienne, comme deux courants qui plongent l’un dans l’autre ; magnétisé par ces doigts qui promenaient leur toucher à la racine de ses cheveux, Marigny sentit bientôt ses nerfs agacés se détendre, et tout son être s’en aller dans une torpeur indicible. Des lueurs bleues comme les vibrations de la lumière des étoiles, jouèrent devant ses yeux alanguis, comme si elles fussent tombées des regards fascinants de Vellini. Des sons vagues tintèrent dans sa tête et dans ses oreilles, comme s’il eût perçu à travers le silence les oscillations de l’éther. Malgré le froid de la grotte, une chaleur moite, subtile, énervante, l’enveloppa en le pénétrant. Venait-elle des genoux qui servaient d’oreiller à sa tête accablée ? Il ne le savait pas ; il ne se le demandait pas ; mais il souffrait moins, le corps sur les genoux de cette femme dont l’âme ne ressemblait pas à une autre âme. Il lui sembla qu’elle ralentissait les palpitations de son cœur. Elle endormait peu à peu la douleur morale sous de profonds aiguillons de volupté, sem-