Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/298

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— Oui ! il y en a, » répondit elle, heureuse de voir Ryno partager pour un instant les folles croyances dont il avait toujours souri.

Mon Dieu ! le philtre, c’était elle-même. Et comme elle lui en avait versé les arômes dans ses intangibles caresses, elle lui en versa bientôt l’essence dans ces étreintes qui fondent deux corps comme deux liquides qui se pénètrent. Ils restèrent longtemps à l’épuiser. La torche s’était consumée… Ryno, presque évanoui sous des sensations qui semblaient lui avoir enlevé son âme sans le faire souffrir, reprit le sentiment de l’existence au contact de quelque chose d’humide et de chaud, qui coula sur son front et sur ses lèvres, et que l’air de la grotte froidit et sécha… Ils étaient comme perdus dans cette obscurité profonde. Quand ils en sortirent, la nuit s’avançait, noire, mais belle comme la fille du Cantique des cantiques. La mer s’entendait sans qu’on la vît, et les dunes des grèves dessinaient à peine dans les airs assombris une ligne sinueuse entre le sable et le ciel à l’horizon.

C’était une de ces bonnes nuits que bénissent (s’ils bénissent quelque chose !) les contrebandiers de ces rivages. Protégés par d’épaisses ténèbres, Ryno et Vellini descendirent ensemble cette falaise que d’ordinaire ils redescendaient séparés. Marigny conduisit la Magalaise