Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/304

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être éclairer par un côté les contradictions dont est bâti le cœur de l’homme ! il l’était en aimant Hermangarde, d’un amour attisé par le sentiment de ses torts. Ah ! quand on n’est que malheureux, une morne paix peut encore régner sur les charbons éteints de nos félicités fumantes ; mais quand on est coupable, il n’y a plus de paix possible, et le cœur se frappe comme un scorpion, recourbé sur lui-même, qui ne saurait, en se frappant, se faire mourir ! Ryno connaissait cette concentration furieuse et vaine. Il comprenait, par les déchirements de son être, ce que les Livres saints racontent des âmes possédées. N’était-il pas la possession disputée de deux sentiments contraires, qui luttaient en lui et se terrassaient tour à tour ? Auprès d’Hermangarde, en effet, ce lys royal au cœur d’or dans son suave calice de neige, il avait des aspirations d’amour jeune et vrai, redoublé par le souvenir des plus exquises jouissances ; mais ces aspirations ressemblaient à celles de l’oiseau dans le vide, — car la fierté de l’amour trahi d’Hermangarde avait créé le vide autour d’eux, — et auprès de Vellini, ce pavot sombre au cœur brûlé, qui lui versait le lourd sommeil après l’ivresse, comme un néant libérateur, il trouvait un brûlant apaisement à ses désirs d’une intimité perdue, à ces soifs des lèvres d’une femme, à cette convoitise d’étreintes