Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/308

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plaire ; il s’assit à ses côtés, comme si elle n’eût pas été sa femme, mais la jeune fille d’il y avait quinze mois, dont il eût attendu tout son destin. Inspiré par ces yeux d’azur qui lui étendaient tout un firmament dans son âme, il fut éloquent comme la passion vraie, séduisant comme la plus habile coquetterie. Il eut de ces mots charmants et profonds qui, comme le diamant, magnétisent et retiennent l’âme attirée dans les agrafes de leurs feux. Elle l’éprouva, elle le sentit trop fort ; elle vit qu’elle était fascinée. Elle eut peur, sans doute, du trouble qui se fit en elle ; car elle lui mit sa main tremblante sur la bouche et lui dit, d’une voix qui n’avait plus de timbre :

— « Taisez-vous ! »

Il avait plongé ses lèvres dans la conque moite de cette main, posée sur sa bouche altérée. Mais les titillations de ces muqueuses idolâtres dans les nerfs les plus subtils de la main, donnèrent des sensations trop vives à cette femme qui vibrait tout entière, comme une harpe éolienne, au moindre souffle de Ryno. Elle retourna vite cette main dont elle avait d’abord donné la paume et dont elle n’offrit plus que le dos aux lèvres de son mari, voulant se soustraire à cette émotion qu’elle connaissait, à la toute-puissance d’un attouchement pratiqué dans leurs quarts d’heure de délire !